L'analyse marché du 10 juin 2025

Cette semaine, je vais vous parler de l'intérêt du gaz qui, à la différence de l'électricité, est une énergie que l'on peut stocker. Mais si les stocks ne sont pas remplis, cela ne sert à rien.

En pleine crise avec la Russie, l'Europe s'est rendue compte du risque de pénurie de gaz et a demandé aux États membres d'avoir des stocks de gaz remplis. En effet, fin 2021, certains sites de stockage européens étaient détenus à l'époque par le géant russe, Gazprom. Dans le but de faire mal à l'Europe, Gazprom avait volontairement limité le remplissage de certains sites en Allemagne notamment, faisant craindre un risque de pénurie pour certains pays dont la dépendance avec la Russie était très significative.

Pour y remédier, depuis 2022, la Commission européenne impose aux États membres des obligations précises concernant le niveau de remplissage des stocks de gaz naturel pour renforcer la sécurité énergétique de l’Union européenne, surtout en préparation de l’hiver. Il va de soi que seuls les États membres disposant d’installations de stockage souterrain doivent remplir celles-ci à des niveaux minimaux spécifiques.
Les niveaux de remplissage minimaux sont les suivants :
80 % de la capacité de stockage nationale d’ici le 1er novembre 2022 (année de mise en œuvre initiale).
90 % d’ici le 1er novembre de chaque année suivante, à partir de 2023.
Sauf que certains États membres pensent que la crise est derrière nous et ont donc demandé à la Commission des assouplissements sur ces obligations. Je vous détaille ci-dessous l’état des principaux niveaux de stockage européens entre aujourd'hui et l'année dernière à la même date.

10 juin 2024

• France 60%
• Angleterre 42%
• Allemagne 74%
• Italie 76%
• Espagne 89%
• Portugal 91%

10 juin 2025

• France 57%
• Angleterre 42%
• Allemagne 42%
• Italie 62%
• Espagne 73%
• Portugal 95%

En dehors de l'obligation imposée par la Commission européenne qui ne sera pas respectée, et le temps que les sanctions arrivent, le mal sera fait.
Pourquoi une telle disparité entre les pays ?

La France a décidé de faire payer le coût du stockage dans la part transport (ATRD/ATRT), cela devient un coût supporté par l'ensemble des consommateurs et le prix est défini par la CRE. Pour les pays qui sont en retard par rapport aux années précédentes, il faut comprendre que le stockage est un produit de marché comme un autre sur lequel les traders font du business. Le concept est de stocker en été avec des prix bas pour revendre en hiver quand les prix sont plus élevés. Mais depuis quelques mois, nous remarquons que le spread été/hiver s'inverse assez souvent, cela signifie que le prix de la molécule en hiver devient moins cher qu'en été.

Je pose ici le message que sans le respect de ces obligations, le risque de pénurie est présent et les états ne pourront rien faire sauf payer au prix fort le GNL pour être certains d'en avoir suffisamment. Le laisser-aller de la Commission laisse penser que nous avons déjà oublié la crise énergétique de 2022/2023. Les industries qui ont fermé, elles, s'en souviennent.